« Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid, c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal... » Et celui que Diderot rencontre ce jour-là est le neveu du célèbre musicien Jean-Philippe Rameau. Les voilà réunis au Café de la Régence, au milieu des buveurs et des joueurs d'échecs, et l'entretien entre LUI et MOI est une satire qui ne ménage pas les puissants du jour, financiers aussi bien qu'adversaires de l'Encyclopédie. Et cette vigueur polémique est pour beaucoup dans le charme étrange de ce dialogue où Diderot égrène les idées, les jeux de mots, les anecdotes, les formules et les aperçus sur tous les sujets, dans un entretien libre et jaillissant, pétillant de verve et d'ironie.
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CRITIQUES, ANALYSES ET AVIS (19) Voir plus AJOUTER UNE CRITIQUE
michfred
michfred 02 avril 2017
Avant même de lire le Neveu, je l'ai rencontré...au théâtre , sa forme dialoguée se prêtant merveilleusement à la mise en scène, et au ballet virevoltant et paradoxal des idées de Diderot, à leur dialectique étourdissante! J'étais très jeune, et ce spectacle, très réussi, donné à Bruxelles par la comédie Claude Volter, dans un vieil hôtel particulier où Diderot et son compagnon devisaient à 10 mètres de nous, devant un feu de bois, a cristallisé ma passion pour ce texte et pour son auteur!
J'ai, depuis , souvent relu cet exercice de voltige brillant où Denis Diderot le philosophe , sérieux et légèrement embourgeoisé par l'âge et la notoriété, rencontre avec une méfiance non dénuée d'intérêt ni de malin plaisir, le jeune neveu du musicien Rameau, sorte de trublion pique-assiette, esprit brouillon et provocateur de génie , adepte des théories les plus fumeuses sur à peu près n'importe quoi- et prêt à les renier pour en professer d'autres tout aussi saugrenues le lendemain, selon qu'on lui a donné ou refusé à manger ou à boire!
Chacun sait que ce face-à-face est aussi - et avant tout- un face-à-face de Diderot avec lui-même , sa moitié contestataire en apparence réincarnée dans le neveu - sorte de second lui-même mais plus jeune, et soudain libéré de toute bien-pensance, délivré de cette sagesse qui devait lui peser parfois...
Le neveu de Rameau est un prête-nom à la fois reconnaissable- c'était une "figure" célèbre des cafés philosophiques et des parties d'échec- et commode: elle permet à notre philosophe de retrouver une impertinence, une liberté de ton, un non-conformisme qui secoue un peu le vieux monsieur trop sérieux qui a besoin qu'on le titille un peu pour réfléchir et argumenter.
Et cette extraordinaire vitalité fait aussi le bonheur de notre alacrité de lecteur: si vous cherchez un prêt-à-penser, passez votre chemin! Point de leçon, pas de morale toute tirée à découper selon le pointillé...
D'autant que très subtilement les choses s'inversent: celui qui semblait professer les idées les plus révolutionnaires s'avère mû par le désir de provoquer ou de trouver sa subsistance plus que par une vraie vision sociale, alors que le philosophe un peu plan-plan du début s'avère être un grand visionnaire politique et moral...
Un dialogue plein de surprises, de faux-semblants, de faux-frères ou de faux jumeaux: un vrai plaisir à lire et à relire, dont on ressort chaque fois un peu moins bête!
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denis76
denis76 21 juillet 2018
Le philosophe ( Diderot ? ) et le neveu de Rameau, un homme sans conséquence, un imitateur, un musicien, conversent à bâtons rompus : les génies, l'idiotisme, les commérages, la duperie, le vol et la vengeance, la flatterie, l'assistance, l'éducation, l'enrichissement, ... Bref, les choix de vie : l'honnête homme VS le vaurien qui profite de l'argent plus ou moins bien acquis. le neveu se définit comme "un brigand heureux avec des brigands opulents".
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Diderot est mon philosophe des Lumières préféré, depuis "La Religieuse". "Le neveu de Rameau" est un peu moins bien réussi à mon goût, car il n'y a pas de "montée en puissance" comme dans les page turner, et avec La Religieuse, c'est une performance pour un roman philosophique !
Non, là, c'est plutôt un balayage de deux choix de vie. Mais une question intéressante enveloppe ce livre : peut-on être malhonnête et heureux ? Si oui, tout le système philosophique basé sur les valeurs de probité associées au bonheur s'écrouleraient-elles ?
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"[LE NEVEU, LUI ] :
Cependant, je vois une infinité d'honnêtes gens qui ne sont pas heureux ; et une infinité de gens qui sont heureux sans être honnêtes."
Ça fait réfléchir, n'est-ce-pas, un tel "contre-argumentaire" ?
Mais j'ai une belle réponse dans le livre :
"LUI :
-- Quiconque a besoin d'un autre est indigent, et prend une position, fait une pantomime. Même le roi prend une position devant sa maîtresse et devant Dieu.
...
MOI :
-- Mais il y a un être qui est dispensé de la pantomime. C'est le philosophe qui n'a rien et qui ne demande rien."
Et il fait prendre conscience au neveu combien de temps il gaspille à faire des pantomimes pour gagner son pain.
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Un beau petit conte sur l'amitié, "Deux amis de Bourbonne" , suit "Le neveu".
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J'aime les philosophes, particulièrement Socrate et Diderot, qui ne noient pas le poisson, et vont à l'essentiel. Il faudra que je me fasse leur intégrale... Enfin, pour Socrate, c'est vite fait : )
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Luniver
Luniver 07 novembre 2013
Lors d'un dîner, Diderot engage la conversation avec Rameau. Ce dernier, pique-assiette cynique, est obligé de voyager de maison en maison, invité pour le parfum de scandale qu'il dégage et qui attire tant les convives, avant de les lasser et d'être mis à la porte après un éclat de trop. Cette discussion est prétexte à Diderot pour critiquer la société de son temps : éducation, vertu et manière de vivre dans le monde, à
Au contraire des premiers textes de Diderot que j'ai lus, et que j'avais trouvé simples et percutants, celui-ci m'a donné des impressions tout à fait opposées : le philosophe développe longuement des idées qui pourraient être exprimées en quelques phrases, et rend le texte ennuyeux. le choix du dialogue contribue à alourdir le texte, en ajoutant questions et répliques qui n'apportent rien au propos. Petit déception avec ce livre qui n'a jamais réussi à retenir mon attention plus de quelques pages.
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cicou45
cicou45 23 août 2011
Magnifique ouvrage de Diderot qui se présente sous forme de dialogue entre le Moi à savoir le narrateur et Lui, Jean-François Rameau et neveu du compositeur Jean-Philippe Rameau. Alors que ce dernier se veut être à la fois artiste et philosophe, le lecteur aura tôt fait de comprendre qui est le véritable philopsophe entre les deux, à savoir le Moi qui parle et non pas celui qui prétend l'être.
Ce dialogue apparaîtra plus tard aux yeux du lecteur comme une discussion entre Diderot et son inconscient. Aussi, dans cet ouvrage, l'auteur ne mâche pas ses mots et n'hésite pas à émettre une virulante critique de la société de l'époque en évoquant entre autres des sujets tels que l'éducation ou celui de la place de l'homme dans le monde - critique qui, à mon humble avis est toujours valable aujourd'hui - puisque c'est en lisant un tel ouvrage que le lecteur réalise que le monde n'a pas tellement évolué au cours des deux derniers siècles...sur certains oints du moins.
Livre agréable à lire qui nous rappelle un peu lres vieux disours de philosophie de l'Antiquité entre Socrate et Platon. Livre assez simple d'accès et très agréable à lire. A découvrir !
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saphoo
saphoo 01 janvier 2017
Lu pour le multidéfis 2017, classique du XVIII, voilà ça s'est fait, et ouf, car franchement si c'est parfait pour les étudiants, pour une lecture plaisante, on a du mal à savoir où se trouve le plaisir. Par contre pour réfléchir, approfondir les réflexions, ok tout y est ! le langage prête parfois à sourire, mais j'apprécie parfois cette langue d'un autre temps et je prends même plaisir à découvrir ou redécouvrir des mots désuets qui reviennent pourtant à la surface par la magie du cinéma comme "MARAUD" c'est rigolo, et j'aime ce côté théâtral de l'histoire.
C'est certain, je ne lirai point du Diderot à toutes les sauces mais de temps en temps, ça permet de se dire que notre langue a certes évolué, quant à la pensée, alors je ne réponds de rien.
Allez bon vent, mon neveu, au plaisir au temps mauvais je m'octroyais un petit détour dans vos pénates.
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Sachenka Sachenka 04 décembre 2018
J'aime mieux être, et être impertinent raisonneur, que de n'être pas.
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hema6 hema6 10 février 2011
C'est qu'ils ne connaissent du bonheur que la partie qui s'émousse le plus vite. Je ne méprise pas les plaisirs des sens. J'ai un palais aussi, et il est flatté d'un met délicat, ou d'un vin délicieux. J'ai un coeur et des yeux ; et j'aime à voir une jolie femme. J'aime à sentir sous ma main la fermeté et la rondeur de sa gorge ; à presser ses lèvres des miennes , à puiser la volupté dans ses regards et à en expirer entre ses bras. Quelques fois avec mes amis, une partie de débauche, même un peu tumultueuse, ne me déplaît pas. Mais je ne vous dissimulerait pas, il m'est infiniment plus doux encore d'avoir secouru le malheureux, d'avoir terminé une affaire épineuse, donné un conseil salutaire, fait une lecture agréable ; une promenade avec un homme ou une femme chère à mon coeur ; passé quelques heures instructives avec mes enfants, écrit une bonne page, rempli les devoirs de mon état, dit à celle que j'aime quelques choses tendres et douces qui amènent ses bras autour de mon col.
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Tristhenya Tristhenya 28 août 2012
Il faut que Rameau soit ce qu’il est : un brigand heureux avec des brigands opulents ; et non un fanfaron de vertu, ou même un homme vertueux, rongeant sa croûte de pain, seul, ou à côté des gueux. Et pour le trancher net, je ne m’accommode point de votre félicité, ni du bonheur de quelques visionnaires, comme vous.
Moi. ? Je vois, mon cher, que vous ignorez ce que c’est, et que vous n’êtes pas même fait pour l’apprendre.
Lui. ? Tant mieux, mordieu ! tant mieux. Cela me ferait crever de faim, d’ennui, et de remords peut-être.
Moi. ? D’après cela, le seul conseil que j’ai à vous donner, c’est de rentrer bien vite dans la maison d’où vous vous êtes imprudemment fait chasser.
Lui. ? Et de faire ce que vous ne désapprouvez pas au simple, et ce qui me répugne un peu au figuré ?
Moi. ? C’est mon avis.
Lui. ? Indépendamment de cette métaphore qui me déplaît dans ce moment, et qui ne me déplaira pas dans un autre.
Moi. ? Quelle singularité !
Lui. ? Il n’y a rien de singulier à cela. Je veux bien être abject, mais je veux que ce soit sans contrainte. Je veux bien descendre de ma dignitéà Vous riez ?
Moi. ? Oui, votre dignité me fait rire.
Lui. ? Chacun a la sienne ; je veux bien oublier la mienne, mais à ma discrétion, et non à l’ordre d’autrui. Faut-il qu’on puisse me dire : rampe, et que je sois obligé de ramper ? C’est l’allure du ver ; c’est mon allure ; nous la suivons l’un et l’autre, quand on nous laisse aller ; mais nous nous redressons, quand on nous marche sur la queue. On m’a marché sur la queue, et je me redresseraià
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denis76 denis76 19 juillet 2018
[ Le neveu de Rameau ] :
-- Le vrai, le bon, le beau ont leurs droits. On les conteste, mais on finit par les admirer.
[ ... ]
Mais on finit par bailler.
NDL : la philo n'est pas assez attractive. Pourquoi ? J'ai bien une réponse, Diderot aussi. Mais j'aimerai avoir la votre, chers lecteurs et lectrices.
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Luniver Luniver 05 novembre 2013
Vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision ! Le vôtre suppose un certain tour d'esprit romanesque que nous n'avons pas, une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu, vous l'appelez philosophie. Mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde ? En a qui peut, en conserve qui peut. Imaginez l'univers sage et philosophe ; convenez qu'il serait diablement triste. Tenez, vive la philosophie, vive la sagesse de Salomon ; boire de bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, se reposer dans des lits bien mollets. Excepté cela, le reste n'est que vanité.
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VIDEOS DE DENIS DIDEROT (50) Voir plusAJOUTER UNE VIDÉO
Vidéo de Denis Diderot
Jean Birnbaum poursuit son enquête sur les points aveugles de la gauche. Avec Michelle Perrot, il reviendra notamment sur l?histoire des luttes ouvrières et féministes. Tels qu?ils sont nés en Europe, ces combats universalistes étaient ancrés dans une foi progressiste aujourd?hui ébranlée. Au miroir de l?espérance djihadiste et de sa puissance d?attraction, cette foi progressiste apparaît désormais comme la « Religion des Faibles ».
MODÉRATEUR : Philippe BERTRAND, de France Inter. INTERVENANTS : Jean BIRNBAUM, directeur du Monde des Livres, auteur de la Religion des faibles. Ce que le djihadisme dit de nous (Le Seuil), Michelle PERROT, professeure émérite à l?Université 7 Paris-Diderot.
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